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HISTOIRE DE MES MUSIQUES CONCRÈTES, 19. L'ISLE SONANTE, 1998-2021

29 janvier 2023

Pour illustrer ce chapitre où j'arrive à la composition de L'Isle sonante, je cherchais une image plus inattendue. Mais non : celle-ci, prise au Polaroïd dans le studio 116 A du GRM de l'INA encore équipé de magnétophones (ceux-ci allaient bientôt être débranchés et remisés dans un sous-sol), convient tout à fait. On m'y voit penché, en 1998, sur des appareils qui ne sont pas seulement mes instruments de travail mais aussi, pour cette œuvre, en grande partie les sources mêmes des sons. Ce qu'on n'y voit pas - car j'ai omis de le photographier - ce sont les dispositifs de micros que j'avais eu l'idée de placer en contact avec la bande en train de défiler, avec les plateaux de métal qui la supportaient, avec les pièces mobiles – tendeurs, cabestan – régularisant son allure, cela de façon à créer, tout en les captant, des rythmes qui me portaient et me donnaient une autre respiration, rythmes de frottements ou d'à-coups qu'il était à tout moment possible d'influencer. J'ai fait ainsi, sereinement et tout seul, de longs tournages dans lesquels la bande de 6,25mm de large lisait des tenues électroniques plus ou moins étirées et ralenties (issues de mes séances de travail, étalées sur 25 ans, avec divers synthétiseurs), en même temps qu'était enregistrée la susurration de son déroulement, plus ou moins contrarié – le tout mixé sur le moment même. Un jour, lors d'une de ces séances, une pièce de métal du micro Neumann frottant contre l'un des plateaux s'est mise à chanter une note, aussi enthousiasmante que l'appel d'un bateau qu'on n'attendait plus ; c'est ce moment qui me donna un grand bonheur, d'avoir eu lieu et d'avoir été enregistré dans le même temps, et qui me suggéra L'Isle sonante. On l'entend dans la séquence de L'Arrivée aux Îles, au cours de laquelle Axelle, l'héroïne lectrice, lit et relit un passage du roman maritime Mardi, d'Herman Melville, évoquant une arrivée au petit matin en vue d'îles paradisiaques :

« Et quand les rayons presque horizontaux du soleil, traversant l’air comme un prisme, touchent la terre verdoyante, (les Îles) palpitent tout entières d’étincelles de rosée. »

...dit la belle traduction publiée par Gallimard, que j'ai utilisée. C'est le bonheur de revoir la terre, on le voit, qui domine ici, celui qu'éprouvait le capitaine Haddock à la fin d'On a marché sur la Lune, quand je découvrais cette aventure dans le journal de Tintin.

L'Isle sonante, sans tempête, est ma musique la plus paisible (la plupart du temps) et hypnotique. Dans le blog n°36 de la série Entre deux images, 27 mars 2016, j'ai reproduit la lettre que Bernard Parmegiani m'avait envoyée après la création de la version de 1998, et qui parlait du style d'écoute qu'elle avait suscitée chez lui. « Il y a une heure merveilleuse », m'écrivait-il, plus réservé sur la suite, et j'ai pensé, en le lisant, que c'était déjà beaucoup. Mais de ces différentes versions, Bernard n'a pu entendre que la première. La plus récente, et j'espère l'ultime, fait un peu plus de deux heures, et elle n'a pas encore été créée. Le texte en est tiré de plusieurs auteurs anglophones traduits dont Edgar Poe (Les Aventures d'Arthur Gordon Pym) et Herman Melville (Mardi et Moby Dick), grecs (l'Histoire véritable de Lucien de Samosate, l'Odyssée d'Homère) et français (Jules Verne, Rabelais). Uniquement des récits de voyage sur les mers, sous terre ou dans les airs, plus deux textes de fond : un extrait du Solfège de l'Objet Sonore de Pierre Schaeffer, avec la voix de ce dernier, et plusieurs paragraphes tirés des Considérations sur les objets sonores de Lionel Marchetti, par lesquelles celui-ci prélude à son livre de 1997 La Musique concrète de Michel Chion. J'ai écrit aussi quelques textes de liaisons.

Précision : à part une brève traversée vers la Corse quand j'étais enfant, ou bien plus tard vers l'île de Lipari avec Anne-Marie, je n'ai voyagé sur mer que par les romans d'aventure, les poèmes épiques, les bandes dessinées et les films. L'océan m'intimide, et j'éprouve plus de terreur que d'exaltation à me le représenter.

D'ailleurs Melville lui-même, qui avait été matelot et baleinier, parle, dans le texte que j'ai mis au début de mon Isle sonante, de  l'« appalling ocean », l'océan effrayant. Ce cher, cet immense Melville, réduit aujourd'hui souvent en France – c'est le grand chic – à sa brève nouvelle Bartleby, et même à une seule phrase de cette nouvelle, « I would prefer not to », que s'approprient des gens tout fiérots de s'en faire une devise, alors que cet Américain né à Manhattan a retrouvé, dans son roman Moby Dick, le souffle des plus grands livres de la Bible, à commencer par celui de Job, le poème le plus grand, peut-être, jamais écrit ! Un souffle qui, pour le paraphraser, m'a aidé à gonfler les voiles de ma propre entreprise.

Si l'élément marin n'a rien qui me rassure, ce qui me fascine par contre, c'est le glissement d'un bateau sur l'eau, que m'évoque le spectacle de plusieurs appareils Studer en marche. Voir des magnétophones tourner me procure un apaisement que ne m'a jamais donné aucun phénomène naturel. Devant cette vision, je suis comme d'autres au bord d'un fleuve, ou comme Mallarmé quand il canotait sur la Seine.

En allemand, pour les noms de ville que traversent des cours d'eau, on dit « am », contraction de « an dem », autrement dit « au bord du, contre le » , là où le français dit Nogent-sur-Oise (ma petite ville d'enfance) ou Aire-sur-la-Lys. Ainsi Frankfurt am Main - ville dans la Hauptbahnhof de laquelle, une fois par semaine durant une année entière, j'ai dû traîner à toute vitesse ma valise à roulettes si je voulais attraper à temps ma correspondance en direction de Weimar - c'est littéralement : « Francfort-au-bord-du-Main », cela pour la distinguer de Frankfurt am Oder. Sur la photo ci-dessus, je suis donc au bord de la bande magnétique, on pourrait dire en allemand « am Tonband ».

Pour le redire un nième fois : il ne s'agit donc pas ici de l'analogique, abstraction déplorable, mais de la bande de magnétophone libre. Cela n'a rien à voir avec travailler sur des lecteurs-enregistreurs à cassette, audio ou vidéo, dans lesquels la bande est enfermée.

Le titre L'Isle sonante ne vient évidemment pas de l'auteur de Moby Dick mais de Rabelais (dont Melville s'inspira pour écrire Mardi) et des voyages de Pantagruel. J'ai tenu à garder l'orthographe de l'époque, qui fait deux chocs pour l'oeil d'aujourd'hui : un S de trop, un N en moins (voir Sans visibilité, chapitre 6). Pour cette œuvre issue de mes lectures d'enfant, ce choix orthographique a pour fonction, avec ces deux fautes qui au temps de Rabelais n'en étaient pas, de rappeler l'écrit visible, d'appeler la vision de l'écrit au sein même de l'écoute – d'ailleurs je fais dire à ma lectrice : « L'Isle sonante, l'orthographe compte. Avec un s et un seul n. »

L'Isle sonante, c'est donc la lecture. Alors que pour mes mélodrames précédents, le « je » qui disait le texte prêtait sa voix au « je » qui vivait les sentiments et les situations, qu'il s'agît de Melchisedech, du Prisonnier du son ou de la Reine de Saba, dans ce nouveau projet la voix se devait d'être, comme dans la brève Epître de mon Requiem, une voix de lecture. Pour incarner cette voix, j'ai pensé – et je me réjouis d'en avoir eu l'idée – à ma nièce Florence, qui a su lire à haute voix (vorlesen, disent les Allemands, qui ont un mot pour cela), avec le plus de clarté, d'intelligence et de simplicité possible, de longs textes pris dans des récits de voyage. Sa diction n'a aucun maniérisme, elle déroule le texte sans effets, comme il le fallait.

Pour cela, je suis allé deux fois chez elle à Saint-Donat-sur-l'Herbasse, Drôme, équipé d'un très bon magnétophone DAT prêté par le GRM, commanditaire de l'oeuvre, et d'un couple de micros Shure au bout d'une perche. Nous avons fait là d'excellentes séances de travail. Le mari de Florence, Stéphane Mourier, leurs deux enfants alors tout petits, Adèle et Quentin (Victor n'était pas encore né), ont contribué en prononçant de plusieurs manières le nom d'Axel(le), comme si la lectrice dont c'est le nom, littéralement perdue dans ses lectures, avait disparu, ou venait d'être retrouvée.

Axel(le), nom inspiré par ma lecture marquante du Voyage au Centre de la Terre, de Jules Verne, c'est un nom qu'on peut entendre aussi au masculin. Mon oeuvre s'adresse, comme le fait un texte qu'on lit, à la part neutre en nous, à celle qui est allégée du fardeau d'appartenir à un sexe plutôt qu'à l'autre.

(Toutes choses dont j'aimerais reparler avec mon ami Reinhart Meyer-Kalkus, qui a consacré une somme monumentale à la Vorlesung  - voir à ce sujet mon blog Sans visibilité, chapitre 13, où j'évoque déjà mon Isle et les circonstances de sa création. Cher Reinhart, revoyons-nous bientôt !)

Dans cette longue composition en deux parties qu'est L'Isle sonante, on passe de livre en livre, il n'y a pas de progression linéaire. Très souvent en même temps, sans qu’on s’en aperçoive toujours, chaque paragraphe ou segment de texte se trouve redit au moins deux fois. Parfois, il s’agit d’une autre prise du tournage sonore, avec des nuances d’intonation légèrement différentes, parfois de la même prise exactement, et cette incertitude crée un trouble spécifique à la musique concrète entre le vivant et le mécanique, en même temps que paradoxalement, elle fait flotter la compréhension. J’ai favorisé dans l’oeuvre l’imprégnation, plutôt que la compréhension. Le caractère systématique de ces reprises textuelles - qui, parce qu'elles concernent du “parlé”, et non du “chanté”, prennent un autre sens que dans l'opéra -  crée peu à peu le sentiment d'accéder à une nouvelle durée.

Je savais en même temps que, dans cette œuvre au long cours, je ne devais faire entendre aucun son d'eau ni de navigation avant la toute fin, que tout devait passer par le texte et par la suggestion d'un déplacement dans l'espace ou d'un glissement. Pour la deuxième version de L'Isle sonante, que Christine Groult m'a donné l'occasion de créer à Pantin, j'ai eu l'idée de finir par un magnifique enregistrement de vagues sur un rivage africain. Un rivage sans mouettes ni autres oiseaux marins, sans anecdote, juste le déferlement pur et éternel, un des seuls sons dont on peut se dire (la littérature est pleine de ces observations) qu'il est le même depuis des millions d'années. Et là, le texte fait silence, après qu'ait été prononcé le mot : Terre !

Cette même terre dont il est question tout au début de la pièce, lequel début, volontairement, peine à prendre le large.

Les quinze premières minutes sont en effet une sorte de labyrinthe où s’ouvrent et se ferment des portes par où l’on entrevoit des perspectives, où on peut avoir l’impression d’être constamment au seuil, où l’on est invité à s’asseoir, à interrompre le mouvement amorcé, alors qu’on se croyait déjà “embarqué” ou au coeur du sujet. Le temps est découpé en tronçons, ce qui fait l’auditeur se ressentir fréquemment laissé, débarqué, littéralement. Cette première partie - après un bref prologue, qui sera repris presque textuellement après - est extérieure, criarde, “bruyante”, et indique volontairement une fausse piste : graduellement, on se dirige vers quelque chose de plus statique, de plus dénudé, apaisé.

Plus loin, avec la séquence que j'appelle Le Port, commence le plus grand travelling sonore que j’ai jamais réalisé, sans coupure audible. Inspiré par la fameuse phrase prononcée au premier acte du Parsifal de Wagner (« Du siehst, mein Sohn, zum Raum wird hier die Zeit », « tu vois, mon fils, ici le temps se transforme en espace », traduction très plate et approximative), il ne dure que douze minutes environ, mais par la densité des événements et par la sollicitation de l’oreille qui ne sait où donner de l’attention, il peut sembler durer plus longtemps. Ce que j’ai cherché, c’est à donner le sentiment qu’on s’est embarqué, qu’on est “enfin” parti, sans avoir remarqué à quel moment s’est produit l’ébranlement du départ. J'ai eu, pour cet épisode Le Port, la représentation d'un hall d'attente très peuplé, hall que j'ai figuré par un vacarme de machines à sous enregistré dans un casino de Las Vegas, lors de notre grand voyage de 1990, de New-York à San Francisco. Ça dure et ça dure, et ça sonne et ça pépie (électroniquement)... Et quand une sirène de bateau gronde et semble annoncer un départ, sommes-nous à terre, ou embarqués ? Sommes-nous cet enfant oublié sur le quai ?

Dans cette séquence où le personnage de la Lectrice, très présent dès les premières secondes de l'oeuvre, n’est plus, temporairement, qu’un figurant dans la fresque sonore, je combine, comme pour le Requiem, des événements de natures différentes et incommensurables, ce qui casse toute idée de hiérarchie a priori entre les sons. On entend - ou plutôt, on a entendu, car sur le moment on pouvait avoir l’attention occupée ailleurs - un bref éternuement sur la droite de l’écran acoustique - alors que se produit un énorme soulèvement sonore, et que rien ne nous préparait à ce type d’événement insignifiant, anecdotique, qui a pu venir de la salle où l’on est train d'écouter l’oeuvre. Quelqu'un a toussé : était-ce important ? Fortuit ? Halluciné ? Comme dans mes Variations de 1990, j’ai voulu jouer aussi sur ce que l’on pourrait appeler l”impossibilité d’écouter”, si l’on s’attache à une écoute purement temporelle, linéaire, hiérarchisée. La phrase de Lionel Marchetti, citée au milieu (et reprise à la fin de l’oeuvre), fait allusion à cela, quand elle parle de “se déplacer dans l’entendre, sans chercher à entendre.”

Plus loin encore, la navigation nous fait arriver à l'Île du docteur Schaeffer, fiction pastichée du roman d'Herbert-George Wells L'île du Docteur Moreau. C'est une partie à laquelle Geoffroy Montel a notablement contribué, lorsque, plusieurs années après la première audition de 1998, il m'a aidé pour retoucher, compléter et améliorer, après l'avoir reporté en numérique, l'ensemble de mon mélodrame.

Dans l'épisode suivant sous-titré “Navigation 3”, s'égrène, lu et relu, le Journal de bord le plus monotone qui soit, extrait des Aventures d'Arthur Gordon Pym de Poe, et qui est un de mes passages préférés. Il est question de calme plat et d'une météo désespérément égale et sans vent. Je vise à amener l’auditeur, avec cet épisode, dans un présent pur au son le son, comme on dit “au jour le jour”. Le temps du “récit” et le temps “réel” de l’oeuvre doivent s’identifier absolument. L’auditeur doit se localiser comme traversant de la durée pure, du présent pur, qui est la durée même de l’oeuvre, au point précis où elle en est. Il devrait, dans l'idéal, s’accorder au rythme de l’œuvre et ne rien attendre d’autre. Le temps ne doit plus être la stylisation d’un autre temps. C’est quelque chose qu’a cherché aussi, me semble-t-il, Anton Bruckner, sur lequel j’ai écrit dans mon ouvrage sur La Symphonie à l’époque romantique...

Comme il y a dans l’œuvre plusieurs navigations, numérotées, il y a aussi plusieurs disparitions. Le propre de cette musique que j’appelle concrète est en effet, par le postulat acousmatique, de laisser toujours un doute sur la disparition d’une “cause” ou d’un “personnage sonore”, dès lors qu’on cesse de les entendre. Cela m'a amené à introduire dans l’œuvre ces épisodes de disparition. Dans le dernier, le personnage-lectrice, Axelle, et le héros du livre lu, l'Axel du Voyage au Centre de la Terre, s’identifient graduellement. Alors que d'autres parties prennent comme référence, surtout au début, les morceaux de bravoure wagnériens, cette partie est une sorte de decrescendo : on se retrouve dans un espace de musique de chambre. Le récit se met au premier plan, et devient prégnant : Axel(le) est perdu(e), est-ce pour toujours et sans espoir ? Et quand on prononce son nom, est-ce le personnage du roman ou sa lectrice que l'on retrouve ? Quitte à arracher cette dernière à ce qu'elle lit, avec la phrase-leitmotiv : « Laisse ton livre, Axelle, laisse ton livre. »

Sans doute ai-je eu, il y a très longtemps, le fantasme d'être tellement dans un livre (qui pouvait être un album de Tintin) que je risquais de m'y perdre au sens propre, de disparaître physiquement aux yeux des autres.

L'Isle sonante,  la plus “répétitive” de toutes mes compositions, peut donner l’impression à première écoute d’un parti-pris minimaliste. Cependant, la texture des sons est beaucoup plus résistante, rugueuse, cassée, fragile, que dans la plupart des œuvres de ce type. D’autre part, ce rituel de temps n’a de sens que suivi d’un bout à l’autre, et si possible écouté au moins deux fois. J’y travaille sur l’obsession sonore, et sur l’imprégnation de la mémoire, le creusement d’un sillon dans la tête même de l’auditeur....  Mais c'est aussi une œuvre égoïste : alors que dans la Tentation de saint Antoine, et antérieurement aussi avec mon Requiem, je visais le succès et le partage, ici la satisfaction que j'éprouve à en entendre certains moments conserve encore quelque chose de solipsiste.

Je me rappelle, à la création de la première version en 1998, mon sentiment quand je jouais l'oeuvre dans l'Auditorium Messiaen de la Maison de la Radio, sur l'Acousmonium du GRM,  et que je suis arrivé au moment évoqué plus haut de la Navigation 3 : je voyais à ma gauche et à ma droite, visibles à cette époque (j'avais demandé qu'elles ne fussent pas éteintes), les horloges lumineuses « radio » égrener une à une, par des petits points brillants, chaque seconde de chaque minute, je tenais le gouvernail de mon œuvre qui se déroulait tranquille, on entendait la voix de Florence lire sans se presser des phrases d'agenda comme : « 28 Juillet, toujours beau temps », et au milieu de cela et du public, je me trouvais bien dans le temps et l'espace que je m'étais graduellement installés.

Je pourrais en écrire encore des pages et des pages, mais je finis par une anecdote que je ne crois pas avoir encore racontée : avant ou après la création de cette version, je reçus un coup de téléphone d'Éliane Radigue, que je connaissais depuis longtemps (c'est Michèle Bokanowski qui me l'avait présentée, et j'avais programmé une de ses œuvres dans un concert du GRM, en 1976). Celle-ci me dit qu'elle avait un projet d’œuvre portant ce même titre d'Isle sonante, ou d'Île sonnante, et qu'elle venait de découvrir que ce titre était « pris » par moi, elle ne voulait pas avoir l'air de me l'avoir volé. « Pas de problème, lui dis-je, le titre ne m'appartient pas, et on pourrait même faire deux concerts enchaînés où toi et moi proposerions chacun notre île. » D'autant qu'il s'agissait aussi d'une œuvre pour support, pour sons fixés (elle a eu un Prix au festival Ars Electronica de Linz, a été éditée par l'INA-GRM, et on la trouve en album numérique sur BandCamp). Mais Eliane a préféré, tout en mentionnant l'existence de ma pièce et en me remerciant pour mon « autorisation », re-titrer la sienne : L'Île re-sonante. Cela ne m'empêche pas de continuer à rêver d'un double programme : L'Isle sonante, puis L'Île re-sonante.

(à suivre).